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L’EAH dans les établissements de santé, pierre angulaire de la riposte à la COVID-19

Thomas Boynton and John Oldfield, Global Water 2020
05 May 2020

Lorsqu’on fait face à une pandémie, qu’il s’agisse de la COVID-19 ou de toute autre maladie infectieuse à venir, notre force se mesure à l’aune de notre maillon le plus faible. Dans le cadre de la crise sanitaire actuelle, il existe un maillon faible dont peu reconnaissent et mesurent l’importance : le manque d’accès de nombreux établissements de santé des pays en développement aux services d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène (EAH). 

Les pandémies ont cette capacité de saper tout effort visant à y mettre fin, en particulier dans les lieux critiques. Or, il n’existe probablement pas de lieux plus critiques que les établissements de santé, où se côtoient la plus forte densité d’agents pathogènes et le plus grand nombre de malades. Et pourtant, alors que les incitations à nous « laver les mains » n’ont jamais été aussi nombreuses, une réalité que beaucoup ignorent persiste : le personnel ainsi que les patients d’un grand nombre d’établissements de santé n’ont souvent pas la possibilité d’effectuer ce geste des plus élémentaires. En effet, à l’échelle du globe, un établissement de santé sur quatre n’a pas accès aux services d’approvisionnement en eau de base, un sur cinq ne possède aucun système d’assainissement et deux sur cinq ne disposent d’aucun matériel pour l’hygiène des mains là où sont prodigués les soins. En d’autres termes, cela signifie que pas moins de deux milliards de personnes dans le monde dépendent d’établissements inadaptés pour leurs soins de santé. Une situation profondément préoccupante et particulièrement problématique pendant une pandémie.

Alors que les patients se rendent dans des centres médicaux pour y être soignés, ils en ressortent souvent plus malades qu’à leur arrivée du fait de l’absence de services EAH. Mais ils ne sont pas les seuls à courir un risque accru pendant cette pandémie : le personnel de santé, qui travaille en première ligne, paie également un lourd tribut.

L’accès des soignants à l’EAH dans les établissements de santé est indispensable. En effet, le lavage des mains est directement associé à une baisse significative des infections respiratoires d’origine virale, telles que celles causées par la COVID-19. Par ailleurs, d’après l’Organisation mondiale de la Santé, les bonnes pratiques en matière d’hygiène des mains constituent la mesure la plus efficace pour prévenir les infections liées aux soins. Ainsi leur amélioration permet-elle de réduire de 50 % la transmission des maladies infectieuses lors des soins de santé.

Certains signes préoccupants suggèrent d’ores et déjà que les centres de soins sont devenus des foyers de transmission de la COVID-19. Une étude menée dans un établissement de santé à Wuhan, en Chine, a révélé que 41 % des 138 patients infectés avaient contracté la maladie pendant leur séjour dans l’établissement et que 29 % des personnes infectées étaient des agents de santé. Selon la Commission nationale de la santé en Chine, près de 3 400 professionnels de santé dans le pays ont été infectés par le virus. Compte tenu de la nature de la crise et de l’absence, dans certains pays, de tests de dépistage au sein de la population et de données exactes, le nombre réel d’infections contractées au sein des centres de santé et le rôle exact joué par des services d’eau et d’hygiène inappropriés dans ces établissements reste mal connu. Néanmoins, des données probantes tirées d’anciennes flambées épidémiques indiquent clairement que les dirigeants doivent accorder une attention bien plus grande à cette problématique.

Certains d’entre nous, dont les établissements de santé disposent de services d’approvisionnement en eau et d’assainissement, pourraient penser, à tort, que la question de l’EAH est « lointaine ». Mais les pandémies mondiales ne connaissent pas de frontières. Au moment de la rédaction de ce document, 213 pays, territoires et régions à travers le monde avaient reporté des cas de coronavirus. Aussi cette crise est-elle l’affaire de tous. 

Alors, quelles mesures peuvent être mises en place dès à présent pour relever ce défi, en particulier dans les pays en développement où la propagation de la maladie semble s’accélérer ? Les dix actions compilées par Lindsay Denny, conseillère santé chez Global Water 2020, constituent autant de pas dans la bonne direction. Ces mesures, immédiatement applicables et peu coûteuses pour la plupart, peuvent être mises en œuvre dès aujourd’hui dans tous les établissements de santé de la planète pour garantir un accès abordable et sûr à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène. Il s’agit en premier lieu de mettre en place de simples installations de lavage des mains aux endroits clés, d’institutionnaliser des protocoles de nettoyage quotidiens, d’affecter le personnel nécessaire à l’entretien des locaux et de le valoriser, et de travailler en étroite collaboration avec les équipes de prévention et de lutte contre les infections.

Pouvoir accéder aux services fondamentaux de l’EAH est aujourd’hui d’autant plus crucial pour les soignants qu’ils prennent soin, en dépit de leur épuisement, des malades les plus graves et travaillent sans relâche pour prévenir la propagation de la COVID-19 tout en essayant de préserver leur santé. Pendant une pandémie, le fait que des millions d’employés d’établissements de santé, des médecins aux infirmières en passant par les aides-soignants et les agents d’entretien, ne disposent ni d’eau, ni de savon, ni d’un système d’élimination des déchets adapté est inexcusable et plus que dangereux. Si le défi est important, il n’est pas impossible à relever. Il est impératif pour cela que chaque centre de soins soit équipé d’eau, de savon et de services élémentaires d’assainissement, une condition sine qua non à la prévention et à la lutte contre les infections qui nous permettrait certainement d’enrayer la propagation de la COVID-19.

À propos des auteurs : 

  • John Oldfield est l’un des principaux acteurs de Global Water 2020.  
  •  Thomas Boynton est assistant de recherches à Global Water 2020. Il possède un master en Sciences, politique et gestion de l’eau de l’Université d’Oxford.