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5 mythes à propos des réfugiés et l'EAH

Katie Allen, WASH Department, United Nations High Commissioner for Refugees (UNHCR)
25 Feb 2020

En juin 2019, 70,8 millions de personnes à travers le monde avaient dû quitter leur maison à cause de persécutions, d’un conflit ou de violences. Toutes les deux secondes, une nouvelle personne est déplacée.

Parmi ces personnes, 41 millions étaient déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP), et 28,5 millions étaient des réfugiés et des demandeurs d’asile qui avaient franchi des frontières internationales dans leur fuite.

Les idées fausses au sujet des déplacements sont très répandues. Elles entraînent des approches mal adaptées en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène (EAH). Les fonds et les ressources sont souvent employés de manière inefficace, ce qui peut affecter la santé et le bien-être des populations déplacées. La présente fiche d’information identifie et déconstruit cinq mythes récurrents liés aux personnes déplacées et souligne les conséquences dont les professionnels du secteur EAH doivent tenir compte.

 

Mythe 1 : Les réfugiés vivent dans des camps

Le terme « camp » de réfugiés évoque souvent des rangées de tentes à perte de vue. On s’imagine donc que les réfugiés vivent principalement dans des habitats temporaires loin des villes. C’est faux dans de nombreux cas.

Le HCR estime que 61 % des réfugiés et 80 % des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) vivent en dehors de camps et de zones de peuplement gérés.

Cela complique quelque peu la fourniture et le suivi des services EAH et impose la mise en œuvre de solutions différentes. Au lieu de construire de zéro des systèmes parallèles destinés aux réfugiés, nous devons investir dans la mise à niveau et l’extension des capacités des infrastructures et services EAH existants dans les villages et les villes qui accueillent des réfugiés. De cette façon, ils pourront absorber la demande supplémentaire, au bénéfice des réfugiés comme de la population locale.

Mythe 2: Les réfugiés fuient vers des pays riches

Les médias parlent beaucoup des flux de réfugiés vers les pays riches. On voit souvent des images de bateaux remplis de réfugiés qui débarquent sur les côtes européennes ou de longues files de personnes le long de la frontière sud des États-Unis, qui fuient les violences en Amérique centrale.

Néanmoins, en réalité, en 2018, quatre réfugiés sur cinq se trouvaient dans un pays voisin de leur pays d’origine. Cette même année, 33 % des réfugiés se trouvaient dans les pays les moins avancés, tandis que les pays développés en accueillaient seulement 16 %. En outre, plus de 99 % des 41 millions de PDIP proviennent de pays à revenu faible et intermédiaire. Les pays à revenu élevé reçoivent en moyenne 2,7 réfugiés pour 1 000 habitants tandis que ceux-ci sont 5,8 dans les pays à revenu faible et intermédiaire. C’est le Liban qui compte le plus grand nombre de réfugiés par rapport à sa propre population : un habitant sur six (ou 167 sur 1000) est en effet un réfugié.

Cela n’est pas sans conséquence pour l’EAH : ces États généralement pauvres, dont la capacité économique est réduite par rapport aux nations plus riches, doivent assumer le gros des responsabilités liées à l’aide aux réfugiés. Ces personnes supplémentaires mettent à rude épreuve les infrastructures EAH existantes, qui peinent déjà probablement à fournir un niveau de service acceptable à la population locale.

Mythe 3: Le déplacement des réfugiés ne dure pas

Les solutions adoptées pour traiter les flux de réfugiés sont souvent temporaires et inadaptées, car on considère que ceux-ci ne vont pas rester longtemps. L’objectif est toujours de permettre leur retour une fois les problèmes résolus, malheureusement, cela ne se produit généralement pas rapidement. On estime qu’une situation de déplacement dure en moyenne 17 à 20 ans. Pour les « crises durables », qui entraînent le déplacement de plus de 25 000 personnes pendant plus de 5 ans, la durée moyenne de déplacement dépasse 26 ans, et, dans certains cas, elle peut dépasser 40 ans ! Par ailleurs, le nombre de situations de déplacement qui finissent par se prolonger est en hausse. À la fin de l’année 2018, les situations de déplacement durable concernaient 78 % des réfugiés.

Cela a des répercussions considérables sur la fourniture de services EAH. Le traitement des flux de réfugiés comme un problème temporaire entraîne des solutions temporaires, dont le déploiement est généralement rapide et peu coûteux, mais dont le maintien dans la durée devient bien vite très onéreux. L’acheminement d’eau par camion en est un bon exemple. Il nous faut investir dans des solutions EAH de long terme. Elles doivent être durables, s’appuyer sur des investissements élevés et exiger des coûts de fonctionnement faibles. Nous devons, dès le déclenchement d’une crise, nous assurer que les besoins seront encore satisfaits au bout de 20 ans, lorsque l’attention et les financements venus du reste du monde baisseront. Nous devons adopter une approche de l’aide aux réfugiés qui soit davantage fondée sur le développement.

Mythe 4: Les réfugiés reçoivent un meilleur traitement que les communautés d’accueil

Des tensions peuvent survenir lorsque les communautés d’accueil ont l’impression que les réfugiés reçoivent davantage d’assistance qu’eux, comme de la nourriture, de l’eau et des soins médicaux gratuits. Il est donc important de proposer aux réfugiés des niveaux de service comparables à ceux qui sont mis à disposition des populations locales. Lorsque l’accès à l’EAH des habitants est de mauvaise qualité, il faut l’améliorer et non pas limiter la fourniture de services aux réfugiés. Il faut donc éviter de créer des systèmes parallèles, mais plutôt chercher à inclure les réfugiés dans les systèmes EAH nationaux et veiller à ce que ces systèmes répondent aux besoins et respectent les normes nationales et les ODD. Il est également nécessaire de favoriser l’autonomie des réfugiés. Ils doivent avoir le droit de travailler et de payer pour leurs propres services.

Dans le monde, l’accès des réfugiés à des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement gérés en toute sécurité est inférieur à la moyenne. L’objectif de développement durable 6 porte sur l’accès universel et équitable à des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement pour tous d’ici à 2030. On estime qu’aujourd’hui, l’accès à ces deux services dans le monde s’élève à 71 % et 45 %, respectivement. Si l’on intègre les réfugiés qui vivent hors des camps gérés par le HCR et ses partenaires, les estimations préliminaires montrent que 35 % des réfugiés ont accès à un approvisionnement en eau géré en toute sécurité sur place et seulement 17 %, à un assainissement géré en toute sécurité sur place. Ces données sont certes préliminaires, mais elles laissent entendre que les réfugiés, probablement à l’image des communautés d’accueil des alentours, sont actuellement laissés de côté.

Mythe 5: Les réfugiés sont un fardeau économique

En dépit des préoccupations selon lesquelles les réfugiés font peser une pression économique sur les pays où ils demandent l’asile, des recherches ont montré que leur accueil contribuait en fait de façon positive aux économies nationales. Les réfugiés constituent une main-d’œuvre diversifiée et qualifiée. Ce sont des personnes qui souhaitent refaire leur vie et retrouver des moyens de subsistance pour surmonter leurs propres difficultés économiques. Dans bien des cas, la présence de réfugiés a stimulé les économies locales et le développement.

À Kampala, en Ouganda, une étude de 2014 a révélé que 21 % des réfugiés étaient entrepreneurs et employaient d’autres personnes, dont 40 % de citoyens du pays d’accueil. Il s’avère également que de nombreuses entreprises dirigées par des réfugiés, aussi bien dans des camps qu’en zone urbaine, sont très innovantes et disposent de réseaux solides.

Aux États-Unis, on estime qu’en moyenne un réfugié devient contributeur net à l’économie huit ans après son arrivée et qu’au cours des 20 premières années de vie dans le pays, il aura payé 21 000 dollars É.-U. d’impôts de plus que les avantages sociaux qu’il aura reçus.

Il est essentiel de comprendre la véritable nature des situations de déplacement afin de pouvoir mettre en œuvre des solutions EAH appropriées et efficaces. Les difficultés qui s’exacerberont au cours des décennies à venir en lien avec la fourniture de services EAH aux personnes déplacées proviendront du nombre de personnes déplacées qui vivront en dehors des camps traditionnels ainsi que de l’augmentation de la durée des déplacements. Il faut trouver des approches innovantes pour surmonter les défis traditionnellement associés aux déplacements en dehors des camps : inégalités dans le coût des services et dans l’accès aux services entre les réfugiés et les communautés d’accueil et difficultés de suivi. Il sera nécessaire de tisser de nouveaux partenariats entre les acteurs de l’aide humanitaire, du développement et les gouvernements pour veiller à l’inclusion à long terme des réfugiés aux planifications nationales, ainsi qu’à l’intégration des services EAH destinés aux réfugiés dans les systèmes nationaux existants. C’est uniquement de cette façon que nous parviendrons à des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement gérés en toute sécurité pour tous.